C'était une journée plutôt ensoleillée pour la saison. Luan s'était réveillé tard, un peu fatigué de sa dernière soirée. Il était donc environ midi quand il se leva. Il trainait un peu, le temps de prendre une douche et de choisir ses vêtements. Son précieux collier en forme de goutte verte en premier, qu'il portait toujours, chemise rouge avec un veston noir, pantalon de la même couleur... Ses vêtements qui cachaient quelque chose de plus noir : chaque jour il était obligé de maintenir ses ailes noires dans son dos, du mieux qu'il le pouvait. Ici, il ne survivrait pas longtemps si tout le monde pouvait connaitre son origine. Il déjeuna un peu. Très peu d’appétit, comme toujours. Une ou deux heures plus tard il était déjà sur la route. Il quittait son minuscule appartement de deux pièces du premier district et il se promenait tranquillement dans les rues de pavés sales qui serpentaient entre les quelques vieux immeubles et bâtisses presque en ruines. De temps en temps il passait une main dans ses cheveux pour écarter les mèches que le vent envoyait dans ses yeux. Un soupir. Il tournait à nouveau les yeux vers le sol pour contempler l'ombre qui le suivait partout comme n'importe quelle personne. Mais son ombre à lui était la seule personne qu'il côtoyais vraiment depuis des années.

Le voilà arrivé aux abords de la forêt qui mène jusqu'au marché noir. Le même chemin, encore et encore, chaques jours. D'environ deux heures de l'après midi à parfois trois heures du matin il était retenu là-bas. C'est pourquoi il prenait tout son temps, savourant chaque pas qu'il faisait en dehors de cet enfer vers lequel il descendait, et qu'il connaissait si bien. Pourtant seules quelques minutes suffirent à l'y amener et il était en avance, en plus. C'était trop tard pour aller autre part, il décida donc d'aller à son poste : il se plaçait tout le temps sous un vieux lampadaire, pas loin de l'entrée secrète du marché souterrain, là où se passaient les ventes les plus restreintes, et seul un petit groupe de personnes savaient qu'il se trouvait là. Bref, il s'adossa là et fit ce qu'il savait le mieux faire, attendre. Toujours attendre. Jusqu'à ce que quelqu'un ne vienne le voir. Ce qui arriva, sur le coup de trois heures et demi. Un homme s'approcha de lui. A vue de nez, un alpha. Peut-être pas quelqu'un de très riche, mais peut-être un domestique. Celui de quelqu'un de plutôt fortuné ? Il avait l'habitude, Luan, de voir venir des serviteurs. Beaucoup de riches Alpha -et bien souvent des vieux- ne veulent pas que l'on sache qu'ils ont se genre de "fréquentations" ou même qu'ils ont mis les pieds dans la Veine... Le jeune garçon s'avança vers l'homme, sans sourire, mais avec un ton qui se voulait être joyeux, bien qu'il ne l'était pas particulièrement.

Comme il s'y attendait, la question du prix arriva vite. L'habitude. Le démon préférait demanda ce qu'il lui fallait pour le déplacement jusqu'à la zone Alpha, pour ce qui est du sujet plus important, il préférait voir directement avec la personne concernée. Cela se fut assez vite, discrètement. Les gens se retournaient peu vers eux, Luan était presque devenu un mannequin dans une vitrine, c'est ce qu'on lui faisait de plus en plus ressentir. On le choisissait, on le payait et on pouvait s'en servir, avant de le remettre là où on l'a eu.

Il mis peu de temps à aller jusqu'à la Source, car il était monté dans la voiture du domestique, à l'arrière comme les personnes importantes dans un taxi -ça l'amusait car jamais il n'aurait eu les moyen de s'en offrir un. Au bout d'un moment, il fit un arrêt et pria Luan d'attendre un moment. Le domestique semblait rendre visite à quelqu'un mais le jeune homme s'en soucia peu, il se demandait comment allait être son client. Une demi heure plus tard les voilà repartis. Pourtant, la surprise de Luan fut telle qu'il se demanda s'il ne rêvait pas: il se trouvait à présent devant le manoir présidentiel de la zone Alpha. Il n'en revenait pas, on l'emmenait chez le président lui même. Quel genre de personne était-il? Ça l'intriguait... L'homme lui demanda de bien vouloir le suivre et le conduit dans un grand jardin. Endroit magnifique, magique, coloré. On y sentait divers parfums floraux, et au milieu de tout cela, quelqu'un se tenait accroupi. Il se retourna vers Luan quand il l'entendit approcher, le domestique était déjà repartit et les avaient laissés seuls. Le démon observait l'humain face à lui avec grande attention. Cheveux rosés, soigné, teint clair mais rosé -le teint des Alpha, ils sont bien nourris et en bonne santé contrairement aux Beta- et d'assez grande taille. Malgré cela il avait l'air excessivement jeune pour être président. Surement le même âge que lui. Le jeune homme se souvient juste avoir pensé à cet instant qu'il se trouvait en face de quelqu'un de tout à fait différent, alors que lui vivait de débauche, l'autre était riche et dirigeait ce pays de fous. Pourtant, ils étaient encore presque des enfants.

Luan trouvait ce Lumaria un peu étrange. Si c'était lui, le président, il n'avait pas du tout l'air à l'aise avec les gens, pas avec lui en tout cas. Il se mis à le détailler du regard. Les cheveux roses l'intriguaient toujours autant car il n'en avait jamais vu des comme ça avant. Naturels ? Enfin, ça lui semblait vraiment étrange surtout pour un garçon. Pourtant, il avait l'air gentil dans le fond, le jeune homme qui se tenait en face de lui. On aurait dit qu'il cherchait juste à rencontrer quelqu'un, en fait il avait l'air seul, c'est ce que pensait Luan a cet instant. De plus, Lumaria semblait se retenir de quelque chose. Peut-être aurait-il aimer demander quelque chose au démon ? Il restait immobile, le regard planté dans les yeux de l'autre. Lui, il ne devait pas voir souvent des gens aux yeux rouges... Au moins, ils étaient tout les deux hors du commun. Il y eu un silence plutôt long au début, Monsieur cheveux roses resta plusieurs minutes à contempler son jardin. Il devait vraiment aimer les fleurs, il y en avait partout ici, en très bon état, et qui avaient un peu la couleur de ces cheveux en y repensant.

Il mis du temps à comprendre ce qu'on lui proposait. Le suivre dans le salon pour .... Jouer à des jeux ? C'était une proposition hors du commun pour lui. Savait-il au moins qui était Luan ? Où plutôt en quoi consistait son métier ? Il lui répondit par un simple hochement de tête silencieux, plutôt surpris par une telle demande. Soit, si jamais il pouvait être payé sans avoir à effectuer sa corvée de d'habitude il ne dirait pas non, ça lui faisait juste étrange. Il avait l'impression d'être devant un ami à lui, quelqu'un chez qui il se trouverait pour s'amuser, en toute amitié, sans rien d'autre. Quelque chose qui ne lui était encore jamais arrivé dans son métier. Il c'était alors rapproché de l'humain devant lui, le fixant toujours avec attention de ses yeux couleur sang et c'était penché vers quelques fleurs qui étaient plantées là pour les regarder. Lumaria avait l'air d'être quelqu'un de timide, alors Luan ne savait pas du tout comment agir avec lui, et il s'agissait d'un réel problème pour lui. Il n'était pas question de parler de tarif pour l'instant, car il ne voulait pas troubler son client. Il essaya de jouer sur la sociabilité, car la froideur de ses propos avait l'air de l'avoir dérangé plus tôt.

Il s'adressait à lui d'une voix sincère qui se voulait amicale. Avec le temps il avait réussit à feinter presque toutes les émotions, il en changeait suivant les exigeances des personnes qui désiraient ses services. Presques toutes, car jamais un seul sourire ne s'est affiché sur son visage depuis une dizaines d'années. Prenant quelques libertés, il s'était approché encore du jeune président, et avait pris sa main dans la sienne pour lui montrer qu'il n'avait pas besoin d'être timide avec lui -s'il y a bien quelque chose qu'il n'aime pas, c'est se trouver devant quelqu'un de mal à l'aise avec lui. Elle était chaude, sa main, et ça fit frissonner Luan car lui il était frigorifié depuis le début d'après midi, avec juste sa chemise sur le dos. Maintenant plus proche de lui il pouvait enfin admirer son visage, fin et délicat, un bon visage d'Alpha en fait. Il avait le teint qui allait avec, et il avait une bonne mine. Le jeune homme se demanda à cet instant si ce n'était pas justement normal pour un président d'être en forme comme ça, ça à sûrement une meilleure image pour le peuple. Lui, avec sa blancheur cadavérique et ses cheveux noirs qui renforcaient l'idées, il ressemblait bien à un pauvre, chos qu'il n'était pourtant pas à l'époque de sa tendre enfance.

Son regard se porta une dernière fois sur les nombreuses plantes du jardin, puis sur le ciel un peu nuageux et enfin sur le sol, où leurs ombres se tenaient. Il voyait sa main dans celle de Lumaria et eut soudain envie de l'y enlever, mais il se ravisa et resta ainsi. Son ombre, où l'autre part de lui... Qui elle, avait la chance de ne pas être vraiment vivante. Pourtant, bien qu'il s'était souvent dis cela, il avait l'impression, en passant ces quelques minutes avec l'humain, que cette journée ne serait peut-être pas si mauvaise, et que cette nouvelle rencontre pouvait peut-être changer un peu sa routine tant détestée.

Ce Lumaria venait d'esquisser une moue boudeuse quand Luan le vouvoya deux fois de suite, ça avait l'air de lui déplaire mais ce dernier n'avait jamais tutoyé ses clients, pas une seule fois et il ne perdait donc pas ses habitudes. Gardant sa main dans celle du jeune homme, il se laissa entrainer vers le manoir, toujours un peu frissonnant à cause de son peu de vêtements. Apparemment, il appréciait être en compagnie de Luan car il se rendit compte de la longueur du chemin qu'ils empruntèrent, alors qu'une fois arrivé il se demanda pourquoi ils n'étaient pas passés par un chemin plus court. Le démon en profita mais à sa façon. Il pensait encore qu'une fois dans le salon on lui demanderait de se déshabiller, et tout ce qui va avec, alors il profita juste d'un moment au calme à se promener un peu même s'il ne le montrait toujours pas. Au bout d'un moment ils croisèrent à nouveau le domestique et Lumaria lui demanda d'apporter une veste puis ils entrèrent dans le salon. Il vit son "ami" s'asseoir dans un grand canapé et décida de faire de même, lâchant pour la première fois sa main depuis quelques minutes. Il le regarda donc en profiter pour se lever, allumer la console posée sous la télé et sortir une dizaine de boîtes qui contenaient des jeux vidéos. Luan n'ayant même pas joué à la moitié d'entre eux durant sa vie, il éprouva un peu d'envie en voyant qu'une personne ayant le même âge que lui n'avait même pas besoin de travailler pour s'offrir tout ce qu'il voulait.

En fait il était une fois de plus perdu dans ses pensées et ne s'attendait pas à ce qu'on vienne troubler ce silence. Il observa les jeux posés sur la table quelques instants, se demandant si il avait vraiment le droit de choisir quelque chose pour s'amuser, si on ne lui faisait pas une mauvaise blague, ou qu'on ne s'en servait pas juste pour le rendre envieux. Timidement, et avec une main un peu tremblante il pointa son doigt vers un des jeux, un peu au hasard. Mais ce qui suivit surpris encore plus Luan, qui en rougit même un peu de gène. On venait de lui demander de ne plus vouvoyer, et même de donner un surnom ! Il détourna un peu les yeux, hocha la tête en signe d'acceptation.

Décidément il n'était pas au bout de ses surprises avec un garçon comme lui. D'ailleurs il avait un peu de mal à s'habituer aux "ordres" qu'ils venaient de recevoir, si s'en était. En fait il n'était plus sûr de rien, il commençait même à se sentir à l'aise en sa compagnie, c'était vraiment une bonne nouvelle. Quoi qu'il arrive il savait qu'au moins ça ne se passerais pas trop mal. Il se mis à plonger son regard dans celui de Lumaria quelques instants, mais il devait toujours avoir cet air triste, et son camarade sembla s'en inquiéter si bien qu'il pris ses deux mains entre les siennes, les serrant doucement ce qui n'étais pas si déplaisant pour le démon. Le jeune homme lui demanda ce qui n'allait pas. Nouvelle surprise. Personne ne c'était soucié de lui depuis qu'il travaillait au marché noir, et ça lui fit chaud au cœur. Il s’apprêtait à répondre à cette question quand le domestique entra, tenant une veste visiblement faite dans une matière bien chaude et doublée, de couleur noir. Le président se leva en lâchant Luan immédiatement, et un fois que l'homme fut partit il tendit la veste à Luan qui hésita quelques instant avant de la prendre et de l'enfiler, se blottissant un peu dedans pour se réchauffer plus vite.

Le temps de se réchauffer, il s'était rapproché du jeune homme aux cheveux roses, jusqu'à poser sa tête contre son épaule quand il se rassit sur le canapé. Il s'était penché en avant pour prendre le boitier du jeu qu'il avait choisi, y faisant le plus attention du monde comme-ci il s'agissait de l'objet le plus rare et le plus précieux du monde, et c'était mis à tripoter cette dite boîte histoire de se détendre un peu. Il se souvint alors de la question posée par "Luma" quelques minutes auparavant et se décida à lui répondre, soudain un peu plus confiant, et il fut d'un coup beaucoup plus bavard.

Il ne savait plus réellement ce qu'il disait et préféra terminer sa prise de parole ici. De plus il se rendit compte des libertés qu'il commençait à prendre et reposa le jeu là où il l'avait trouvé avant de se redresser pour ne point gêner son client en s'appuyant ainsi contre lui. Il était un peu honteux en même temps car il n'avait aucune idée de ce qu'il était censé faire. Il se contenta de balancer un peu ses jambes et de fixer ses pieds, détournant enfin ses yeux qui étaient jusqu'alors fixés dans ceux de la personne dont il se rapprochait. Il les trouvaient beaux, ses yeux. Où plutôt c'était la première fois qu'il prenait le temps d'admirer quelqu'un, et ça l'impressionnait. Il n'avait plus vraiment l'impression d'être un objet que l'on vient chercher dans une vitrine à cet instant, il se sentait presque "humain", avec un cœur, des sentiments et tout ce qui devrait aller avec. Il se demanda si c'était vraiment lui qui déclenchait cette sensation en lui, mais il n'aurait pas vraiment su le dire.